1 L’audit intégré, mission impossible ?
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1.1 Vous avez dit : « intégré » ?
La qualité a bien du mal à s’intégrer dans les systèmes de management des organismes de toute nature. Encore aujourd’hui, il n’est pas rare, par exemple, de tomber sur des entreprises qui confient à leurs responsables qualité l’écriture de la politique qualité. Et pourtant, la nouvelle version de la norme NF EN ISO 9001:2015 encourage – exige, même – une intégration de la qualité dans la stratégie et dans les métiers des organismes.
NF EN ISO 9001:2015Systèmes de management de la qualité – Exigences
5.1 Leadership et engagement
5.1.1 Généralités
La direction doit démontrer son leadership et son engagement vis-à-vis du système de management de la qualité en […] :
b) s’assurant que la politique et les objectifs qualité sont établis pour le système de management de la qualité et qu’ils sont compatibles avec le contexte et l’orientation stratégique de l’organisme ;
c) s’assurant que les exigences liées au système de management de la qualité sont intégrées aux processus métiers de l’organisme […]
Les audits internes qui comptent parmi les exigences de la norme NF EN ISO 9001:2015 (cf. § 9.2) ne sont pas toujours considérés comme de vrais outils de management. On les pratique pour avoir quelque chose à montrer aux auditeurs tierce partie, mais je serais vraiment curieux de savoir combien d’organismes continueraient à pratiquer des audits internes (qualité) s’ils abandonnaient leur certification ISO**iso-00066**.
Pas beaucoup, me dites-vous ? Je pense quant à moi qu’il y en aurait encore moins…
On est d’accord.
Aujourd’hui, il est question d’intégrer de nouveaux systèmes de management tels que le management environnemental, le management de la santé et sécurité au travail, la RSE[1], etc. Tous ces concepts ont donné lieu, au fil du temps, à des référentiels ISO**iso-00066** qui servent de guides à leur mise en œuvre.
Les entreprises qui engagent des démarches environnementales, de maîtrise de la santé et de la sécurité et de RSE**rse-00213** sont de plus en plus nombreuses, et se pose alors la question de la pratique des audits. Faut-il effectuer des audits séparés ou des audits intégrés ? Le bon sens nous souffle une première réponse raisonnable et logique : il faut intégrer. En effet, les pratiques d’audit sont basées sur des entretiens avec les responsables et avec les collaborateurs (employés ou agents), et pratiquer des audits dissociés reviendrait à échanger avec les mêmes personnes plusieurs fois de suite sur des thèmes différents. Le bon sens nous chuchote donc de tout faire d’un coup, cela prend moins de temps aux auditeurs et aux audités.
Pour compliquer encore un peu la situation, les organismes qui disposent de systèmes de management intégré (QS[2], SE[3], QE[4], QSE[5], etc.) les ont mis en place les uns après les autres. Il est assez rare (bien que cela existe) que cette intégration se soit faite en une seule fois. Il en résulte que ces organismes pratiquent souvent des audits dissociés. Ils réalisent des audits qualité puis, quelque temps après, des audits environnementaux puis, plus tard, des audits de santé et sécurité. Cela perturbe un peu les audités qui pensent que certaines questions sont redondantes, que les réunions de clôture pourraient être regroupées, etc. Mais voilà, il arrive aussi que les responsables qualité, environnement et sécurité soient des personnes différentes, ce qui complique encore la pratique des audits.
Je soutiens que les audits doivent intégrer tous les systèmes de management. Nous avons tous constaté les difficultés d’intégration de la qualité dans le management des organisations. Nous avons tous professé qu’il fallait que ces sujets soient mis en œuvre par tout un chacun (« La qualité, c’est l’affaire de tous », lisait-on à une certaine époque). Commençons nous-mêmes par éviter la ségrégation. Le rôle d’un responsable couvrant à la fois qualité, sécurité, environnement, et plus généralement performance (QSEP[6]) n’est pas de tout faire à lui seul avec ses petites mains, mais de « faire faire » par les autres. Je sais qu’il est difficile de changer l’organigramme, mais je soutiens encore que les différents systèmes de management doivent être sous une même responsabilité. Et lorsque je parle de responsabilité (c’est un vilain mot dans ce cadre-là…), il s’agit de la responsabilité à transférer, à donner du sens, à faire agir les autres, à former, à expliquer, etc. Trop souvent encore, la qualité c’est monsieur Machin (et lui seul), l’environnement c’est madame Truc (et elle seule) et la santé et la sécurité, c’est mademoiselle Bidule.
Si cette question vous intéresse, je vous invite à relire le précieux ouvrage Quel avenir pour les responsables qualité ?, publié par AFNOR en 2005 et magnifiquement écrit par moi-même.
Mais ceci est une autre histoire et un autre débat.
Une autre difficulté majeure est que les organismes ont pour la plupart mis en place des corps d’auditeurs internes non professionnels. C’est une solution qui prévaut parce qu’elle est plus souple et qu’elle possède beaucoup d’autres avantages. Par exemple, entre autres, celui de constituer des réseaux internes et d’améliorer la connaissance des personnels quant au fonctionnement de l’organisme. Hélas, ces auditeurs exercent l’audit interne en plus de leurs métiers habituels.
La difficulté réside donc dans la connaissance des référentiels mis en œuvre. Si l’auditeur travaille dans un organisme qui a intégré le management de la qualité, le management environnemental, celui de la santé et de la sécurité des personnels et, pourquoi pas aussi, quelques éléments de RSE**rse-00213** ou de l’EFQM[7], il devra veiller à ce que son organisme satisfasse entre autres à toutes les exigences de ces modèles (Figure 1.1).
Figure 1.1 L’auditeur : un métier, de nombreux référentiels
C’est une mission impossible.
En effet, quel auditeur va consacrer du temps à apprendre des référentiels par cœur pour pratiquer des audits deux ou trois jours par an seulement ?
Pas vous en particulier, parce que je sais que vous vous assoupissez très vite chaque fois que vous ouvrez un référentiel de management…