1 Pourquoi le sujet des lanceurs d’alerte est-il devenu central ?
-
1.1 Du rôle des salariés et des individus
Le sujet des lanceurs d’alerte (ou auteurs de signalements[1]) a pris une importance déterminante ces dernières années. Et pour cause, nous pouvons partir du constat suivant : des situations ont été stoppées grâce à la mobilisation des lanceurs d’alerte ; des scandales auraient pu être évités si des collaborateurs ou parties intéressées avaient alerté. Et dans le même temps, cela s’est souvent traduit par des conséquences graves – de la simple marginalisation jusqu’à des peines d’emprisonnement fermes et de fortes amendes – pour ceux qui ont dénoncé des faits ou des situations.
Cette pratique, d’inspiration anglo-saxonne, s’est généralisée à la suite du scandale Enron[2] aux États-Unis. Elle est inscrite dans la loi Sarbanes-Oxley (Sox) dès 2002[3]. Le principe est simple : mettre à disposition du plus grand nombre un canal pour recueillir des signalements sans avoir à passer par la voie hiérarchique, voire en s’adressant directement aux autorités compétentes. L’objectif est de capter les dérives connues par des collaborateurs et/ou des tiers et de détecter le plus tôt possible les situations frauduleuses – d’autant que plus la situation est interrompue tôt, plus il est possible d’en limiter les impacts négatifs. Dans le cas de certains scandales récents (tels que les prothèses mammaires PIP ou le dieselgate Volkswagen), l’étendue du problème, les conséquences et les effets collatéraux auraient été fort différents si les dysfonctionnements avaient été connus plus tôt.
Si le principe est simple, la pratique est plus difficile. Il y a d’abord des freins culturels. C’est une chose d’avoir un outil de signalement interne ; c’en est une autre qu’il soit connu et utilisé. Certains associent l’alerte à la dénonciation voire à la délation. Et dans les cas où les personnes ont alerté, la réaction a plus souvent été de rechercher leurs intérêts à agir ainsi, d’essayer de les faire taire ou de les poursuivre en justice[4]. Nous comprenons dès lors qu’il est important de favoriser cet outil tout en protégeant celles et ceux qui l’utilisent de toute forme de représailles.