1 La qualité de vie au travail, attente sociétale majeure de notre temps
La qualité de vie au travail (QVT) est aujourd’hui une aspiration sociétale majeure parmi le personnel des entreprises. C’est un concept complexe, puisqu’il peut inclure des attentes en matière de gouvernance, de politique salariale, de santé et de sécurité au travail, de relations avec la hiérarchie, avec les collègues de travail, avec la vie privée, de formations et perspectives d’évolution, de sécurité de l’emploi, etc. Certaines thématiques sont à traiter par la direction générale, d’autres par les composantes de l’organisation (processus ou services).
Dans un article publié sur son site le 1er juillet 2017 et intitulé « Qualité de vie au travail : les enjeux », l’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) explique que « depuis l’accord interprofessionnel de juin 2013[1] “Vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle”, les entreprises sont incitées à expérimenter de nouvelles manières de concilier performance et mise en œuvre d’organisations du travail favorisant les conditions de travail et de vie des salariés ».
Plus loin, on peut lire encore que « en complément, le plan Santé au travail 2016-2020[2] place la qualité de vie au travail au cœur des préoccupations stratégiques de l’entreprise et du dialogue social. Elle est positionnée comme levier de conciliation du bien-être au travail et de la performance de l’entreprise ».
Enfin, l’ANACT, dans son numéro de mai-juin 2007 de Travail & Changement, énumère six facteurs déterminants à propos de la qualité de vie au travail. Ce sont :
– les relations sociales et de travail ;
– le contenu du travail ;
– l’environnement physique de travail ;
– l’organisation du travail ;
– la réalisation et le développement professionnel ;
– la conciliation entre vie professionnelle et vie privée.
Ailleurs, deux chercheurs québécois, les professeurs Martel et Dupuis de l’université du Québec à Montréal, ont proposé en 2004 la définition suivante : « La qualité de vie au travail, à un temps donné, correspond au niveau atteint par l’individu dans la poursuite dynamique de ses buts hiérarchisés à l’intérieur des domaines de son travail où la réduction de l’écart séparant l’individu de ses objectifs se traduit par un impact positif sur la qualité de vie générale de l’individu, sur la performance organisationnelle et, par conséquent, sur le fonctionnement global de la société. »
On comprend que la QVT se compose à la fois d’éléments généraux de nature organisationnelle qui concernent l’ensemble des employés d’un organisme et d’éléments personnels de nature humaine qui peuvent concerner un seul et même individu. C’est ce qui rend difficile sa compréhension et délicate la mise en œuvre de projets et d’actions en ce sens.
La QVT n’est pas un concept nouveau car, dans les années 1980, lorsque le taylorisme vivait encore de beaux jours dans les industries de production de série, des actions ont été menées un peu partout sur la thématique de l’élargissement des tâches. Le taylorisme avait conduit à une parcellisation du travail de production et un ouvrier pouvait répéter plusieurs centaines de fois par jour les mêmes gestes. Cela conduisait, pensait-on alors, à une monotonie des activités préjudiciable au mental des ouvriers mais aussi génératrice de troubles musculosquelettiques. Or les expériences menées en ce sens auxquelles j’ai participé autrefois dans l’entreprise qui m’employait alors ne recueillaient pas un avis favorable unanime. En effet, dans beaucoup de postes de travail, les ouvriers étaient dégagés de toute réflexion (leurs gestes étaient devenus automatiques) et de ce fait pouvaient penser à autre chose. L’élargissement des tâches avait pour effet de complexifier le travail et cela n’était pas toujours pris de manière positive par les intéressés. En fait, la pénibilité d’une activité ne provient pas uniquement de la répétition de gestes. Elle est générée en grande partie par une mauvaise relation avec l’autre et surtout avec le supérieur hiérarchique.
Selon une étude de 2018 d’Odoxa-Dentsu Aegis Network, sept salariés français sur dix estiment ne pas être reconnus à leur juste valeur dans leur travail. Selon une enquête de 2016 de l’ANACT, 72 % des salariés s’estiment reconnus par leurs collègues, 68 % par leurs clients, 55 % par leurs collègues d’autres services, mais seulement un sur deux par son supérieur.
C’est pour cette raison que, toujours selon l’ANACT, la promotion de la QVT passe par le postulat suivant :
« C’est un choix de société, qui implique les salariés et les dirigeants des entreprises, les partenaires sociaux, l’État et les collectivités territoriales à tous les niveaux. Pour cela il faut :
– analyser, comprendre le travail et agir pour le transformer ;
– encourager toutes les initiatives qui contribuent au développement des compétences, à l’évolution professionnelle et au bien-être au travail ;
– agir pour que le travail favorise l’épanouissement physique, psychique et intellectuel des individus ;
– faire que le travail soit un espace d’intégration y compris pour les moins aptes et les plus fragiles, et un espace de justice sociale ;
– faire que chacun trouve sa place au travail et que le travail garde sa place parmi les autres activités humaines. »