1 Une décision rationnelle ?
Lorsque l’on suit toute la chaîne du haut dirigeant à l’exécutant, nombreuses sont les personnes à croire que nous pouvons juger qu’une décision était bonne uniquement au vu de ses conséquences. C’est malheureusement faux dans le cadre d’une décision rationnelle, même si cela reste vrai dans celui d’une décision chanceuse… Prenons un exemple simple.
Un joueur vous propose un contrat qui consiste à lancer 10 fois de suite une pièce de monnaie honnête (non truquée). Si vous obtenez au moins 1 fois pile, le jeu vous rapporte 100 €. Vous devez miser 1 € pour pouvoir jouer. Supposons que vous acceptiez le jeu et que vous perdiez. Était-ce une mauvaise décision ?
Vous aviez 1 chance sur 2 d’obtenir un pile à chacun des 10 lancers. Au premier lancer, vous aviez 1 chance sur 2 d’avoir obtenu un pile. Il suffit de tracer un arbre événementiel pour se rendre compte qu’au deuxième lancer, vous aviez 3 chances sur 4 d’avoir obtenu au moins un pile sur les 2 lancers, donc 1 risque sur 4 de ne pas l’avoir obtenu. Au troisième lancer, vous n’aviez que 1 risque sur 8 de ne pas encore avoir obtenu un pile, et ainsi de suite. Au total, vous aviez 1 024 chances de gagner contre 1 de perdre. C’est la quantification des « certitudes du hasard ». Mais le sort était contre vous ce jour-là, car vous avez perdu 1 €, en espérant légitimement en gagner 100. Si vous en aviez l’occasion, reprendriez-vous encore la même « mauvaise décision »… au vu du résultat qui s’avère être une perte ? Il semble raisonnable de conclure que vous aviez pris une bonne décision, mais obtenu un mauvais résultat.
Un choix comportera toujours un risque associé. Il est donc possible qu’une bonne décision conduise à un mauvais résultat, ou qu’une mauvaise décision aboutisse quand même à un bon résultat. La rationalité d’une décision ne peut pas se mesurer simplement au vu de ses résultats.
Un concepteur est obligé de prendre des décisions à chaque étape d’un projet. Certaines deviennent irrévocables dans le cadre de l’avancement de ses affaires. À l’origine de tout projet rôdent de nombreuses incertitudes, et l’ingénieur ne sait pas tout. Il est amené à décider à partir d’informations partielles même s’il s’efforce de recueillir toutes celles dont il a besoin… toutes celles qui sont existantes et vérifiables au moment où il est contraint d’orienter son projet.
Ce n’est que dans les cas très simples qu’une étude peut être entreprise avec suffisamment d’informations disponibles et fiables pour pouvoir tracer son chemin de manière certaine jusqu’au but attendu.
Qualifier de « bonne décision » a posteriori celle qui a permis d’obtenir un « bon résultat », sans tenir compte de l’information disponible au moment où la décision a été prise, n’est pas correct. Une décision rationnelle est celle qui a utilisé les meilleures méthodes et pris en compte le profil du décideur quant à son aversion pour le risque.