1 De la créativité à l’innovation
La créativité recouvre l’ensemble des processus intellectuels, des compétences et des techniques qui conduisent à résoudre un problème apparemment impossible ou à surpasser une situation bloquée, à dénouer des situations conflictuelles et d’accéder ainsi à une innovation majeure, une idée nouvelle, une solution praticable.
Cette première partie est consacrée à l’analyse de la problématique qui conduit à engager un processus spécifique d’analyse et de résolution du problème, le « détour créatif ». Auparavant il convient de comprendre ce processus qui fait basculer une réflexion rationnelle, bloquée dans une impasse, dans un univers excluant la logique conventionnelle et l’affectivité contrariée (c’est l’univers habituel qui explique les paradoxes opposants dans lequel notre pensée évolue). Cette bascule, au cœur du détour créatif, conduit à trouver des solutions apparemment farfelues qui, une fois débarrassées de leurs scories puis remises en forme de façon rationnelle (plus acceptables par la pure logique, les conventions et les contraintes auxquelles nous ont formaté le contexte éducatif et social), fourniront des réponses satisfaisantes au problème posé.
En résumé, face à des problèmes apparemment impossibles, bloqués par la peur ou l’angoisse de ne pas réussir à trouver une solution, le détour créatif comporte une phase d’imprégnation documentaire et logique, une phase d’éloignement utilisant une pensée apparemment irrationnelle laissant libre cours à l’affectivité débridée, puis une dernière phase de remise en forme rationnelle répondant au problème posé.
L’intelligence résout les problèmes courants et parfois extraordinaires. La créativité se mesure à tous les autres problèmes et casse-tête réputés impossibles. Elle se caractérise par une démarche volontaire à laquelle il est possible et impératif de faire appel dans tous les cas où un problème difficile s’avère impossible à résoudre avec les méthodes rationnelles classiques (analyse logique, matrices, algorithmes, ordinogrammes). La créativité s’impose aussi dans tous les cas où il s’agit d’inventer, d’innover ou de trouver de nouvelles solutions.
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1.1 Admettre la nécessité de la créativité
Définir la créativité hors du champ des arts du même nom pour la concevoir dans le cadre professionnel, marqué du sceau de la technique et de l’économie, est doublement délicat. La créativité est généralement conçue par le bon sens populaire comme une caractéristique innée, un don du ciel comme bien d’autres qualités personnelles issues de la psychologie balbutiante du début du XXe siècle. Pour elle la créativité est une aptitude : on est ou on n’est pas créatif ; on a ou on n’a pas de créativité.
Cette même psychologie est toujours à l’œuvre pour nous fournir des explications servant le taylorisme. Pour celle-ci, une séparation du monde en deux clans, les élus et les exclus, s’exerce dès l’école. Ce faisant, il s’agit plus d’une conception idéologique qu’une théorie reposant sur de véritables recherches scientifiques 1 . Elle a ainsi stérilisé tout espoir de progression pour ceux qui n’étaient pas créatifs ou n’avaient pas de créativité. La psychologie classique a ainsi égrené le chapelet des autres caractéristiques de personnalité se déclinant de façon binaire : autonomie, initiative, charisme, dynamisme, génie, leadership, optimisme, rigueur, sociabilité…
La connaissance de notre fonctionnement psychologique avance heureusement avec les neurosciences et le cognitivisme. Antonio Damasio et Georges Edelmann aux États-Unis, Jean Didier Vincent et Bernard Changeux en France pour prendre des ex -chefs de file dont le lecteur trouvera les ouvrages dans la bibliographie.
Chaque question doit être déclinée en s’aidant du questionnement traditionnel : Quoi, Qui (avec, par, pour, de, à), Quand, Où, Pourquoi, Comment, Combien ?