1 Comprendre le contexte des transitions en agriculture
L’abandon de la jachère et le développement de la rotation des cultures et assolements et du machinisme agricole marque la première révolution agricole dès le xviiie siècle. Ensuite vient la révolution verte, au milieu du xxe siècle, avec l’introduction d’engrais chimique et de nouvelles cultures à haut rendement. Puis la révolution biotechnologique (troisième révolution à la fin du xxe siècle), avec l’utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM). C’est maintenant au tour de la quatrième révolution de faire son entrée dans le monde agricole. La dernière révolution en date fait référence à l’introduction des nouvelles technologies, y compris les biotechnologies et les machines intelligentes, dans les activités quotidiennes de l’agriculture.
Il est de plus en plus question d’agriculture numérique pour parler de « l’ensemble des technologies (capteurs, services en ligne, robotique) et de toutes les méthodes nécessaires pour valoriser les données et créer les services de demain[1] » permettant de détecter, de quantifier, d’aider à la décision et de faciliter l’activité au sein des exploitations agricoles. Par révolution, il faut comprendre une transformation soudaine et radicale des activités quotidiennes agricoles par rapport au passé immédiat et qui a des conséquences profondes dans la société. La révolution diffère de la transition. En effet, la transition se définit comme étant le « passage d’un état à un autre », ou encore comme le « passage progressif entre deux états, deux situations », ou encore un « passage graduel d’une idée ou d’un développement à un autre », selon les définitions du dictionnaire Larousse.
L’article « Agriculture(s), développement durable et enjeux contemporains » a voulu démontrer la complexité inhérente aux systèmes agricoles. Ces derniers sont diversifiés, par conséquent, les transitions sont nécessairement diverses. L’agriculture n’est pas épargnée par le contexte actuel lié au dérèglement climatique et aux limites planétaires, impliquant des processus d’adaptation et d’atténuation du changement climatique. Au contraire, bien souvent, ce sont les agriculteurs qui sont en première ligne du constat des évolutions climatiques et les impacts sur la nature et les productions. Les dernières annonces du GIEC, publiées le 9 août 2021 démontre que « l’activité humaine est responsable "sans équivoque" du réchauffement climatique, qui provoque "des changements rapides dans l’atmosphère, les océans, la cryosphère et la biosphère". Les précédents rapports qualifiaient la responsabilité humaine d’"extrêmement probable" ».[2] Une donnée explicative est la concentration de gaz carbonique (CO2) dans l’atmosphère. En effet, depuis 2011, elle est « en moyenne de 410 parties par million (ppm), un niveau jamais atteint depuis deux millions d’années. Le CO2 est le principal agent des gaz à effet de serre, qui sont à l’origine du réchauffement climatique. Les émissions de CO2 sont, elles, largement dues aux énergies fossiles ».
Qu’est-ce que l’Anthropocène[3] ?
L’Anthropocène est la nouvelle époque géologique, après l’Holocène qui a débuté il y a 10 000 ans. Cette nouvelle ère se caractérise par l’avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques. Les activités humaines ont un impact direct, visible sur la Terre. À titre d’exemple, la modification de la composition de l’atmosphère avec plus de gaz à effet de serre, les pollutions des océans avec le rejet des matières microplastiques, l’érosion des sols et de la biodiversité de manière générale. C’est la première fois que les activités humaines sont devenues les principaux moteurs des changements qui affectent la Terre. L’agriculture tend à passer d’une activité « risquée » à une activité incertaine. « Les transformations du système Terre modifient le comportement des plantes et des animaux qui ne réagissent plus de la même manière. La réduction de la pluviométrie et l’exposition à de fortes chaleurs impactent et fragilisent directement l’agriculture qui voit tous les paramètres évoluer. »[4]
Comme les autres secteurs économiques, l’agriculture est plongée dans l’injonction sociétale d’engager des dynamiques pour faire évoluer ses systèmes de production, afin de répondre aux enjeux et défis contemporains. D’une part, il est question de plusieurs types de transitions en agriculture… Quelles sont-elles ? D’autre part, les implications sont profondes et méritent d’être comprises pour faciliter l’accélération des transitions. Comment les transitions contribuent-elles aux débats des modèles agricoles soutenables ? Parler des transitions c’est aussi mettre l’accent sur l’échange de connaissances, la diffusion de bonnes pratiques, ainsi que sur les outils d’accompagnements techniques, financiers et humains. Cet article vise à approfondir la notion de transitions en agriculture. Aussi, avant toute chose, il est intéressant de préciser qu’il existe plusieurs niveaux de transitions : à l’échelle de l’exploitation, à l’échelle territoriale ou encore à l’échelle écosystémique. Cette dernière implique des transitions tenant compte des interactions systémiques dans un même milieu ou encore des interactions entre disciplines.