1 De la complexité de parler d’Une agriculture durable
Pour commencer, l’alimentation est un des fondements de l’existence de l’être humain. Pour se nourrir, l’homme cultive la terre pour en produire des végétaux utiles à son alimentation ou à celle des animaux en élevage. De par son étymologie, ager, « champs » ; cultura, « culture », cultus du verbe colere, « cultiver », l’agriculture signifie littéralement « la culture des champs, culture des sols ». Les fonctions de l’agriculture sont multiples : nourrir, soigner et habiller. La fonction principale qui est retenue de manière majoritaire est l’art et l’action de cultiver les terres pour nourrir les hommes et les animaux.
Autour des notions de l’agriculture et de l’alimentation tournent plusieurs notions impliquant des enjeux divers et variés démontrant à première vue, la complexité du système et de ce qu’en attendent ses différents usagers. Il est question de système(s) alimentaire(s), sécurité, souveraineté, résilience alimentaire, ainsi que de systèmes de production. Il est question de plusieurs enjeux qui sont bien souvent interdépendants : enjeux de la chaîne agroalimentaire concernant activités et acteurs de l’amont à l’aval, de la fourche à la fourchette, de la production à la consommation en passant par la transformation et la distribution. Sont sous-jacentes les questions de pouvoir d’achat, de qualité nutritionnelle, d’atténuation des effets néfastes sur les ressources environnementales.
Les enjeux économiques, environnementaux et sociétaux se mélangent, les attentes des citoyens-acteurs concernent nécessairement ces trois aspects poussant de manière volontaire ou involontaire le système agroalimentaire dans la recherche d’une triple performance. Selon le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, les principaux enjeux, dit environnementaux, de l’agriculture relèvent de :
- la gestion durable des ressources naturelles (eau, sol, air, biodiversité) et des espaces agricoles et paysages ;
- la lutte contre le changement climatique et l’adaptation à ses effets ;
- la production d’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique ;
- la valorisation non-alimentaire de la biomasse.
Il n’a jamais été question de l’agriculture en tant que telle. Il s’agit davantage des pratiques agricoles qui sont soumises aux critiques et aux pressions de la part de la société, des acteurs économiques. Pourtant, les agricultures sont diverses, il en est de même des agricultures dites durables.
Par agriculture durable, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), agence spécialisée des Nations unies, entend une agriculture qui « favorise des écosystèmes sains et une gestion durable de la terre, de l’eau et des ressources naturelles tout en garantissant une sécurité alimentaire mondiale »[1]. Ici, on retrouve une imbrication des notions de sécurité alimentaire et de gestion durable des ressources environnementales. Quand la FAO ajoute que « pour être durable, l’agriculture doit répondre aux besoins des générations présentes et futures quant aux produits et aux services, tout en garantissant une rentabilité, une santé environnementale, et une équité sociale et économique », on retrouve des éléments de définition du développement durable et de la triple performance, ou du moins les trois principaux types d’enjeux : économiques, environnementaux et sociaux. La durabilité ne s’entend pas uniquement en termes de pérennité temporelle, mais elle ressert surtout une idée de conciliation d’enjeux de natures différentes pouvant répondre à des intérêts divergents.
En effet, le développement durable est bien souvent assimilé à la définition suivante : « un développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (rapport Brundtland, 1986). Pour se replacer brièvement dans le contexte d’émergence de cette notion, il est intéressant de rappeler que la restructuration nécessaire après la Seconde Guerre mondiale a permis de stimuler le système économique qui a mené à la période des Trente Glorieuses. Si le rapport Brundtland a eu peu de répercussions politiques, il laisse néanmoins en héritage la notion de développement durable qui est aujourd’hui encore prégnante dans l’élaboration de politiques publiques, de stratégies d’entreprises. Elle encourage les acteurs politiques, entrepreneurs et salariés à penser de manière transversale et en tenant compte des trois principaux enjeux et intérêts (économiques, environnementaux et sociaux) dans les stratégies et leur mise en œuvre. En ce sens, le développement durable oblige un équilibre souvent précaire entre :
- qualité environnementale/préservation des ressources (limites planétaires) ;
- équité sociale (répondre aux besoins et services fondamentaux, réduire les inégalités et maintenir la cohésion sociale) ;
- efficacité économique (garantir une activité économique dignement rémunérée).
Ces premiers éléments permettent de poser les bases pour comprendre que concilier développement durable et agriculture est très complexe. Il n’existe pas un seul et unique type d’agriculture durable permettant de répondre à l’ensemble des enjeux. Ce n’est pas non plus la définition d’un type d’agriculture qui permet d’englober la notion de développement durable dans son ensemble. En effet, il faut tenir compte de la diversité des acteurs de l’agriculture et de l’alimentation, ce qui implique de considérer les intérêts et besoins (socio-économico-environnementaux) de chaque acteur de l’amont à l’aval, de la fourche à la fourchette. Sans tomber dans une opposition trop simpliste, les souhaits des consommateurs ne convergent pas nécessairement vers les intérêts économiques des agriculteurs, distributeurs ou transformateurs. Malgré la complexité, il est nécessaire d’essayer de comprendre l’imbrication des besoins de chacun et des nécessités de préservation et régénération des ressources planétaires.